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Mort de Pedro Soler, guitariste flamenco

Guitariste flamenco aussi intègre que rayonnant, Pierre Alfred Genard avait choisi Soler, le nom de sa mère, comme nom de scène, dès qu’il s’était fait connaître dans le monde flamenco. Né le 8 juin 1938 à Narbonne (Aude), il grandit dans les quartiers des républicains espagnols exilés à Toulouse. Pedro Soler est mort d’un infarctus du myocarde, le 3 août, à Molitg-les-Bains (Pyrénées-Orientales). Il était âgé de 86 ans.
Visage fin, cheveux mi-longs, grande douceur d’être, il partage avec les musiciens flamencos nés en France (ses cadets, Pascual Gallo ou Paco El Lobo, compagnons de Paco de Lucia et de Camaron de la Isla), la reconnaissance en légitimité flamenca, reconnue du bout des doigts par les festivals institutionnels et les milieux culturels. Lorsqu’il représente la guitare flamenca au théâtre de Jean-Louis Barrault, celui-ci dit de lui : « Parmi toutes les guitares qui chantent et font danser dans le monde, il en est une singulièrement pure, celle de Pedro Soler. »
A l’heure où les professeurs d’espagnol faisaient étudier Garcia Lorca et Antonio Machado au lycée, le 33-tours de Pedro Soler, Riches Heures du Flamenco (Chant du Monde, 1963) sonna comme une précieuse propédeutique au flamenco : avec « La Joselito », Jacinto Almaden et Pepe de la Matrona, toutes générations confondues. « La Joselito » (Carmen Gomez) était une danseuse illustre du début du XXe siècle (on peut la voir dans le film de Julien Duvivier, La Bandera, 1935), à qui l’illustre torero Joselito, mort à 20 ans en 1920, avait dit : « Porte mon nom, tu le porteras très loin. » D’où ce nom délicieusement féminisé en « La Joselito ».
Formé à la dure école des tournées sommaires en autocars poussifs dans un franquisme écrasant, Pedro Soler avait connu les arènes ou les salles de cinéma en plein air sans micro, et les nuits dans ces pensions de campagne sans eau courante. C’est à ce prix, n’hésitant jamais à rendre hommage à ses maîtres, Ramon Montoya, Perico del Lunar ou Esteban de Sanlucar, que Pedro Soler se fit flamenco. Incapable de frimer, encore moins, de « gitaniller », puisqu’il n’était pas gitan.
Il avait rencontré nombre de « vedettes » anciennes de la scène flamenca qui l’avaient adoubé : Pericon de Cadiz, Rafael Romero, Bernardo de los Lobitos, Jacinto Almaden, Pepe Badajoz, Pepe de la Matrona, Juan Varea… Partageant la scène avec les survivants et ses contemporains, Enrique Morente, plus tard, Inès Bacan (sœur du grand Pedro Bacan), ou sa sœur Isabel Soler. Capable de relever des défis insensés, comme cette série de dix concerts d’affilée, seul en scène sans sono mais avec sa sonorité unique, au Théâtre Montmartre Galabru en 2009.
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